Visite de Lijang

5 janvier 2006

En partant a la recherche d’un café sympathique pour déjeuner, on se perd un peu dans la vielle ville de Lijang et nous nous retrouvons sur l’ancienne place de marché. Grande chance pour nous car nous tombons par hasard sur de vieilles femmes Naxi en costume traditionnel en train de danser.
Elles portent une cape en peau de mouton sur le dos, avec une partie claire et une partie sombre rappelant l’alternance du jour et de la nuit et 7 cercles brodés sur le bas de la cape représentant les 7 étoiles de la Grande Ourse. Il parait qu’autrefois, il y avait 2 cercles plus larges, un sur chaque épaule, qui représentaient les yeux d’une grenouille (dieu important chez les Naxi) mais maintenant ils sont passés de mode.
Par contre, les Naxi continuent à appeler la cape par son nom originel : « peau de mouton aux yeux de grenouilles » !

Lijang est situé à 2400m d’altitude, sur un plateau, au pied de la montagne du Dragon de Jade, le Yulong Shan ( 5596 m !). La ville est depuis 1400 ans le centre de la culture Naxi (à prononcer Nassi), une minorité ethnique d’environ 300 000 habitants, descendants de tribus du Nord-est du Tibet. Le langage écrit des Naxi est un système de pictogramme (le seul langage à base de hiéroglyphes encore utilise) et à plus de 1000 ans.

On appelle Dongba les chamans naxi, dépositaires des écrits et intermédiaires avec le monde des esprits. Ils sont exécuteurs des rites : rituels funéraires, grandes cérémonies collectives (sacrifices aux divinités) visant à assurer de bonnes récoltes et la prosperité des troupeaux…
Les Dongba sont donc les gardiens et la mémoire de la culture Naxi. Leur tradition se transmet de père en fils mais ils ne seraient plus aujourd’hui qu’une dizaine…

Les Naxi étaient , jusqu’à une date recette, une société matriarcale, qui maintenait les hommes sous la coupe des femmes avec de petits arrangements côté cœur. Le système appelé azhu (amis0 permettait à un homme et une femme de devenir amants sans avoir de résidence commune, les 2 partenaires continuant à vivre chez eux. Le garçon passait ses nuits chez sa petite amie mais revenait vivre et travailler dans la maison de sa mère pendant la journée.
Si des enfants naissaient, c’était à la femme qu’incombait la responsabilité de leur éducation, l’homme fournissant son assistance, mais uniquement tant que durait sa relation avec la mère ! les enfants vivaient donc avec leur mère et aucun effort n’était fait pour établir leur filiation. Et évidemment les femmes héritaient des propriétés ! incroyable !
Finalement , les Naxi étaient bien plus en avance sur les libertés de mœurs que nous !

La vieille ville de Lijang est vraiment charmante. C’est un merveilleux dédale de ruelles pavées, de vieilles maisons en bois restaurées, avec des canaux, des petits ponts en pierre. On dirait un petit village de montagne « enchanté ». Ce qui n’a pas échappé a l’unesco qui l’a classe patrimoine mondial de l’humanité en 1999.
Nous avons du mal à imaginer qu’en 1996, un violent séisme secoua la région (300 morts, 16 000 blesses) et détruisait une bonne partie de la ville nouvelle mais les vieilles maisons naxi tinrent, elles, le coup !

Le seul défaut qu’on trouve à Lijang est que, désormais célèbre, une foule de boutiques vendant toutes les mêmes articles et un nombre impressionnant de restos et d’hôtels ont ouvert leurs portes…. Sans parler de la horde de touristes !
On poursuit notre marche en se dirigeant vers le parc de l’étang du Dragon Noir. Le point de vue sur le lac est magnifique, avec un petit pavillon au centre, et en toile de fond la montagne du Dragon de Jade s’élevant, comme inaccessible… la balade est agrémentée de plusieurs temples  demi cachés par des arbres….

Le soir, on assiste à un concert de musique Naxi. La plupart des musiciens (tous Naxi) sont assez âgés avec de grandes barbes blanches et sont vêtues de costumes traditionnels en soie. Ils n’ont pas commencé à jouer que c’est déjà le spectacle !
Il s’agit d’une musique de temple taoïste (appelée Dongjing0 qui a disparu partout ailleurs en Chine. La plupart de leurs instruments sont très anciens et de véritables pièces de musées (le Sugudu, un luth venu de Perse, un luth chinois a 4 cordes de 400 ans, un bobo, instrument à vent constitué à partir d’ailes d’oiseaux…).
Dans presque tout le reste de la Chine, ces instruments n’ont pas survécu à la révolution culturelle et plusieurs de ces musiciens ont du enterrer leurs instruments pour les sauvegarder !

L’orchestre est dirigé par l’étonnant Xuan Ke, un musicien Naxi érudit de 77 ans qui a sacrement la pêche et pas sa langue dans sa poche ! il a été emprisonné pendant 21 ans en camp de travail après la répression du mouvement des 100 fleurs, et il nous le répète plusieurs fois pendant le concert, évoquant toutes les années d’angoisse où son sort était incertain…

Qu’est ce que le mouvement des 100 fleurs ? petite leçon d’histoire : vers 1957 (environ 8 ans après les debutes de la république populaire de Chine), les écrivains, artistes et cinéastes faisaient l’objet de contrôles idéologiques stricts, inspirés des écrits de Mao sur l’art.
Mao pensait que le travail du Parti avait été suffisamment positif pour supporter sans dommage quelques critiques et, lors d’une séance à huis clos, il lança l’idée de « laisser 100 fleurs s’épanouir » dans le domaine des arts, ce qui fut officiellement approuve en avril 1957. évidemment les intellectuels réagirent avec enthousiasme.

Leurs critiques touchaient tous les domaines : corruption au sein du Parti, contrôle de l’expression artistique, absence de littérature étrangère, faiblesse du niveau de vie…
Ce qui ne plut pas du tout au Parti qui modifia rapidement son attitude : en l’espace de 6 mois, pros de 300 000 intellectuels furent accusés de « droitisme », destitués de leurs fonctions et, dans bien des cas, incarcérés ou envoyés dans des camps de travail pour y être « rééduqués »….

En tout cas, le concert est saisissant. Les mélodies semblent échappées de temps anciens et oublies. La voix du chanteur est émouvante et celle des femmes nous donne des frissons….
C’est vraiment un grand moment !

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