Notre jour de chasse …

30 juin 2006

Aujourd’hui, Gold Teeth, considéré comme un grand chaman, nous montre comment il fabrique du poison pour tuer les singes, dont les mentawais sont très friands.

Ils mangent peu de viande, sauf les jours de fêtes où les cochons sont tués. Gold Teeth mélange pleins d´herbes, les écrasent, et en retire un jus qu’il applique au pinceau sur le bout des flèches destinées a la chasse. 
Il nous assure qu’avec ça, un singe meurt en moins d´une minute…

Pendant ce temps, Ed fait le malin, en se moquant de moi, me désignant une petite araignée : « spider ! be careful ! ». se croit- il drôle ? aucun de nous ne peut plus le supporter. On plaint sa jeune femme.

La maison de Gold Teeth est très grande, la plus grande de l´ile en fait selon Ed. Elle est très impressionnante. Partout pendent des têtes de squelettes d’animaux : singes, cochons… ou des plantes séchées. On trouve aussi des tambours utilises pendant les fêtes.

Sur un des murs, il y a des peintures noires représentant 2 mains et 2 pieds avec une grande mèche de cheveux. Il s´agit des répliques des mains et pieds de son frère décédé. Ainsi les mentawais gardent souvenir de leurs proches disparus. 
Une manière de les garder près d´eux…

Nous apprenons que la soeur de gold Teeth est morte hier. C´est pour cela qu’il n´était pas chez lui quand nous sommes arrivés la veille. Et pourtant, il s´est bien occupé de nous (pas comme un autre !), alors qu’il devait être bien triste. 
Voudrions-nous divertir des étrangers si on venait de perdre un de nos proches ?

Gold Teeth a accroché des photos de lui avec des touristes sur les murs. C’est drôle !

Nous repartons pour la dernière grosse marche car demain nous reprenons le bateau. Nous sommes tous heureux de repartir car l´expérience a été très intéressante, mais aussi très éprouvante.
Les marches difficiles, la chaleur, les insectes, les mauvaises nuits, les chaussures constamment trempées, ont eu raison de nous !

Nous ne rêvons que d´un bon coca bien frais (plutôt une bière pour les hommes !), une bonne douche chaude, un bon lit moelleux, et un bon repas (sans durian…). Ah, la civilisation !
Frederic s´écrie : « le bruit, la pollution, le bitume… il n´y a que ça de vrai ! ». L´instinct de chasseur en a pris un coup en 5 jours !!!

Nous traversons un des villages gouvernementaux. Accoudée au balcon d’une maison, une femme nous demande des cigarettes. Encore. Franchement, nous avons l´impression de nous faire rançonner par les mentawais, comme si nous étions des distributeurs de cigarettes ambulants.

Nous répondons que nous n´en avons pas. Alors elle aperçoit nos bouteilles d´eau orangée (on rajoute de la poudre orange qui masque un peu le gout de l´eau de rivière bouillie) et nous demande de l´eau, alors que sa maison est à 30 secondes du ruisseau et que, vu que nous marchons, nous en avons surement plus besoin qu’elle ! 
Ce comportement commence un peu à nous énerver..

Plus loin, nous rejoignons les mentawais porteurs qui nous attendaient. Parmi eux est aussi le mentawai dont j´avais désinfecté le pied, il y a 3 jours. Il savait surement qu’on repasserait par la. Je lui demande s´il a vu l’infirmière du village. Non, elle est partie me dit-il.

Il voudrait que je lui refasse son pansement. Je constate que celui que je lui avait fait est parti et que son pied est recouvert de boue. Autant dire que tout ce que j´ai fait n´a servi a rien. Quelle déception !
Finalement, sur ce point, Ed avait raison et je comprends maintenant ce qu’il voulait dire par là…

Si je refaisais un pansement à cet homme, il ne ferait de nouveau pas attention à son pied et le salirait. Aucune chance de guerison dans ce cas. Il n´a surement pas vu l´infirmiere et ne la verra pas. S´il avait de l´argent, à la place, il s´achèterait des cigarettes. Cela doit juste le distraire que je lui fasse un pansement. Une nouveauté.

Je sens la colère monter en moi, de réaliser l´inutilité de ce que j´ai fait : le pansement de la petite fille est déjà surement parti, la mère du bébé le 1er jour n´a sûrement pas suivi mes conseils… 
Ca m´apprendra à vouloir me mêler de tout ! les mentawais se debrouillent très bien tout seuls…

Sur la fin de la marche, il se met à pleuvoir. Vincent et moi marchons en queue du groupe. Nous nous retrouvons à une bifurcation et ne savons quel chemin choisir… et Ed qui n´est pas là ! 
N ´est-ce pas son boulot de verifier que tout le monde suit ?

On commence à être trempe. On appelle. Personne. 
On finit par choisir un chemin sur notre intuition et par chance, c´est le bon. Nous arrivons mouillés à la maison qui est celle d´Amam Grey Sic. Ed est tranquillement installé, au sec, une cigarette à la main. On a vraiment envie de l´etriper celui-la !

En fin d´apres-midi, le grand moment qu´Edda et moi attendons depuis si longtemps se présente enfin…
Nos 2 hommes enfilent, sous le regard expert d´Aman Grey Sic, le petit pagne végétal traditionnel que portent les hommes mentawais. Ils se sentent ridicules et nous partons toutes les deux d´un grand éclat de rire…

Apres insistance, ils acceptent de poser pour quelques photos souvenirs. Et au bout de 10 minute ils se sentent plus en confiance et adoptent des poses disons…originales ! fred se saisit d´un baton et pose ainsi, avec le fameux « esprit de chasseur » !
Bon, c´est sûr, lorsque nos hommes posent avec Aman Grey Sic.. à côté de lui, ça le fait moins…ils paraissent, comment dire, un peu blanquinets, et un tantinet moins musclés… mais nous sommes très fières d´eux !

La derniere soirée est très décevante. Comme c´est la maison d´Aman Grey Sic avec qui nous venons de passer 5 jours, on s´etait imaginé que ce serait un peu spécial. En fait, personne ne fait attention à nous…

On a souvent demandé à Ed de nous traduire les conversations des mentawais entre eux. On se demandait de quoi ils parlaient. 
Eh bien, ils parlent des récoltes, des fêtes, d´histoires un peu bizarres qui se propagent de maisons en maisons comme celle d´un cochon un peu spécial, que les chiens n´osaient pas attaquer, et qui avait une tête ressemblant a celle d´un humain…

Les mentawais posent-ils des questions a notre sujet ? assez peu en fait. Lorsque les 1ers groupes de touristes venaient, les mentawais demandaient ce qu´ils mangeaient, pourquoi ils avaient les cheveux blonds, ou des yeux bleus…
Mais maintenant, ils ne posent plus souvent des questions. Dans l’ensemble, ils font plutôt comme si nous n´etions pas là. Ils continuent à faire ce qu´ils font d´habitude.

D´un côté, nous avons presque ete vexé de ce manque d´interêt. Les hommes venaient nous voir pour nous demander des cigarettes. 
D´un autre sens, n´etait-ce pas vaniteux de notre part ? pourquoi auraient-ils besoin de nous, eux qui vivent en autarcie depuis si longtemps ? qu’avons-nous réellement à leur offrir ?

Ed ne manque pas une occasion de se rendre exécrable. Je lui demande en anglais s´il peut prendre une photo de nous 4. Sur ce, il se moque de moi en répétant la question avec un accent francais caricature ! 

Mais pour qui se prend-t-il ? il a vraiment un probleme de communication et d´ego surdimensionné, 2 defauts importants pour un guide. D´autant que si ça le fait rire, il devrair s´apercevoir qu´il est le seul à rire…

Il est temps de rentrer. Nous sommes tous epuisés physiquement et psychologiquement et avons envie de tordre le cou d´Ed.

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